Carnet de voyage de Mylène Whissell et Isabelle Sabourin - Février-Avril 2001
Mylène Whissell enseigne le français au Collège Fuyue du Hunan. Isabelle Sabourin est stagiaire dans la même institution. Toutes deux sont originaires de l'Outaouais.
C’est avec une larme en coin et un sourire aux lèvres que nous quittions notre belle province à l’aube du 12 février 2001. Nous nous souviendrons longtemps de ce moment pour le moins émouvant et excitant.
Nous prenions l’avion, l’esprit embrouillé par un mélange d’émotions et de sentiments qui tantôt faisaient surface, pour ensuite retourner gruger l’intérieur de notre estomac trop nerveux! “Do you want a Kleenex?” demanda l’agent de bord à Isabelle qui ne pouvait retenir ses larmes… C’est ainsi que l’avion décolla pour fendre l’air lors d’un matin ensoleillé… Nous n’avions maintenant qu’à nous laisser bercer par la musique de notre baladeur et par la valse de la turbulence! Trois escales nous attendaient…
Déjà à Vancouver, nous nous sentions étrangères dans notre propre pays. Nous étions les seules Occidentaux à bord d’Air China. “Ji hao nin de anquandai.” (Veuillez boucler votre ceinture). Notre cœur se serra… Nous arrivions à Beijing avec mille et une questions en tête et aucune réponse… Déroutées, perdues dans cette foule, parmi ces gens qui nous proposaient d’être guide, de prendre le taxi ou d’alléger notre portefeuille, on nous regardait et nous scrutait d’un œil interrogateur. C’est à Shanghai que l’aventure débuta. Notre petit chez-nous était déjà loin derrière… et nos pensées nous trahissaient en divaguant vers le pays de l’hiver (Gilles Vigneault).
Une femme nous attendait à l’aéroport. Nous vîmes nos noms… ou plutôt devinions qu’il s’agissait de nous. Le sourire aussi large que l’Atlantique et les yeux plus brillants que Sirius, nous étions maintenant rassurées. Elle ne parlait ni français, ni anglais… seulement ce langage universel qui est plus fort que la parole. Notre vol suivant étant à 4 heures de l’après-midi le lendemain, nous avons eu la chance d’explorer quelque peu la ville et de prendre des photos…Notre accompagnatrice a vite fait de s’emparer de notre caméra afin de nous photographier sous tous les angles. Isabelle devant un bateau, Mylène devant un bateau, Isabelle et Mylène à côté du bateau.“ Ning neng ti women zhao ge xiang ma?” (Pouvez-vous prendre une photo pour nous?) Le film de la caméra s’est débobiné en un clin d’oeil… Quel beau bateau!
Nous arrivâmes finalement à Changsha dans la soirée du 14 février, jour de la St-Valentin pour les Chinois… aussi. Il y avait du monde partout… tellement que nous n’arrivions pas à avancer. J’étais en proie à une crise d’agoraphobie! Le chauffeur nous reconduisit directement au collège où les classes sont situées au dix-neuvième étage…Je pensais prendre les escaliers, mais pendant six mois, j’aurais été prête pour les jeux Olympiques! Alors, j’affrontai ma peur des ascenseurs, en proie cette fois-ci à une crise de claustrophobie! Les gens du collège nous accueillirent à bras ouverts…visiblement contents de notre présence. Tellement contents… qu’ils nous invitèrent à souper…
C’est ainsi que nous découvrîmes pour la première fois ce que nous appelons la bouffe chinoise. A chacun ses goûts! Je me rappelle d’un soir où nous sommes allées souper avec des amies. Quelle surprise lorsque nous avons su à la fin du repas que nous avions mangé (ou plutôt goûté) à du chien. “What is that? It’s very spicy! -It’s a dog- What… dog, wouf!, wouf!” Ca y est, c’en était fini des restaurants! Un Chinois mentionnait qu’ici, tout se mange… à l’exception des humains…Difficile de nous mettre l’eau à la bouche! Nous achetons donc notre nourriture (importée des États-Unis) au marché. Malgré tout, nous avons adopté les baguettes..! Déjà, le lendemain de notre arrivée, nous débutions les cours de français. On ne pourrait demander mieux: des étudiants motivés, disciplinés, sympathiques et d’une générosité sans bornes… Bref, une classe de rêve! Nous avons un tapis rouge déroulé sous nos pieds…
Côté ville…nous voyons maintenant le tout d’un autre oeil…Nous sommes arrivées à l’appartement le soir, épuisées, dans un environnement et un pays inconnus, dans un froid à vous transformer en abominable homme des neiges et très étonnées de constater que notre toilette se résume à un trou dans le plancher! Quelle surprise au matin lorsque Isabelle me demanda de la suivre. “Ferme les yeux, avance, avance, O.K., tu peux ouvrir…” Mes yeux s’ouvrirent sur une montagne de bouteilles et de matières inconnues… je ne saurais trouver le terme exact! Nous éclatâmes de rire! Quel paysage dépaysant!
En fait, tout ici est pour le moins dépaysant: les rues bondées de marchands de toutes sortes, de cireurs de souliers, de vendeurs de canne à sucre… Tout a un air pauvre, mais excitant à la fois. Il y a tant à découvrir et à apprendre… Nous marchons dans des rues qui à première vue nous semblent grises et sales… jusqu’à ce que nous apercevions des enfants qui s’amusent avec un petit rien qui ferait grimacer nos jeunes québécois…Nous découvrons chaque jour un peuple fascinant avec ses temples bouddhistes, son histoire, sa culture et un mode de vie si… différent. Nous découvrons un peuple ouvert, acharné au travail, lié à leur famille et dévoué envers leurs amis(es). Nous apprenons autant sur les gens du pays que sur nous-mêmes…
Ainsi va le voyage et ainsi se succèdent les journées… Nous avons maintenant des amis(es) qui nous font découvrir la ville et ses secrets… Des amis(es) qui sont prêts(es) à tout nous donner sans rien demander en retour et en refusant nos innombrables: xiexie (merci!) La semaine prochaine, nous débuterons des cours de taiji avec un vieux sage. Ce sont ces contacts avec les gens et toutes ces petites découvertes plutôt inattendues qui enrichissent l’expérience que nous vivons… L’aventure est unique et nous profitons de chaque instant passé en terre étrangère…
C’est avec une larme en coin et un sourire aux lèvres que nous quitterons ce grand pays… Nous nous souviendrons à jamais de ces moments pour le moins, émouvants et excitants…
À bientôt!
Mylène et Isabelle