Lorsqu’un gouvernement emprunte à l’étranger ou garantit un prêt, le statut juridique du contrat n’est pas le même que celui de l’accord qui lierait deux sociétés privées. C’est un contrat beaucoup plus difficile à faire respecter, puisqu’un emprunteur souverain peut déclarer irrecevable une action intentée contre lui sur son propre territoire. Le problème est compliqué par le fait que les gouvernements ont une très grande latitude pour prendre des mesures qui influent sur leur propre faculté de remplir un contrat. Un grand nombre de ces mesures — changements dans la politique monétaire, limites imposées aux transferts de devises, réformes de la politique en matière de concurrence ou de fiscalité — ne sauraient être tenues pour des ruptures de contrat, même si elles peuvent avoir pour effet de le vider de sa substance.
Étant donné que les gouvernements peuvent influer sur les résultats économiques et que les prêteurs n’ont guère de possibilités d’imposer de sanctions juridiques, les contrats liant les pays en développement et le marché privé n’ont guère de valeur économique, sauf si les deux parties estiment qu’à long terme il est dans leur intérêt d’honorer leurs obligations. Il faut donc que l’exécution de ses obligations présente pour un emprunteur une valeur économique (actualisée) égale ou supérieure à la valeur actualisée de leur non-exécution. Autrement dit, il est d’autant plus probable qu’un pays assurera le service de sa dette qu’il souffrira davantage de ne pas le faire.
Pour l’emprunteur, le coût des sanctions possibles dépend de l’importance de ses opérations commerciales et financières futures avec le prêteur (et le gouvernement dont il relève). Les pays dont les échanges internationaux sont actifs ont besoin d’apports de capitaux réguliers, de moyens de transport, de services de douane, etc. Ils sont par conséquent très vulnérables à la mise sous séquestre de leurs avoirs ou à l’interruption de leurs crédits commerciaux. Leur réussite passée a été rendue possible par leur accès au réseau des services commerciaux et financiers. Il est peu probable qu’ils choisiront de compromettre leurs chances de réussite future en se mettant délibérément en marge de ce réseau. Les grandes banques internationales bénéficient d’un avantage comparatif dans le domaine du risque souverain, car elles sont, à de multiples égards, étroitement liées aux activités internationales des pays en développement. C’est là l’une des raisons qui expliquent le développement de l’intermédiaire bancaire pendant les années 1970.
Source : Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 1985.
© Supplément à Relations économiques internationales, 4e édition, Renaud Bouret, Éditions Chenelière Éducation, Montréal